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Il n’avait rien d’un simple soldat. Il était une incarnation du pouvoir – un homme que le destin lui-même paraissait soutenir.

 

Description : 045

 

— Bon, reprit Straff en posant sa fourchette. Soyons francs, mon garçon. Je suis à deux doigts de te faire tuer sans attendre.

— Vous exécuteriez votre fils unique ? demanda Elend.

Straff haussa les épaules.

— Vous avez besoin de moi, reprit Elend. Pour vous aider à combattre Cett. Vous pouvez me tuer, mais vous n’y gagnerez rien. Vous devriez toujours prendre Luthadel par la force, et Cett serait toujours en mesure de vous attaquer – et de vous vaincre – compte tenu de votre faiblesse actuelle.

Straff sourit, croisa les bras et se pencha de manière à se dresser au-dessus de la table.

— Tu te trompes sur les deux tableaux, mon garçon. Premièrement, je crois que si je te tuais, le prochain souverain de Luthadel serait bien plus conciliant. J’ai certaines sources en ville qui me confirment que tel serait le cas. Deuxièmement, je n’ai pas besoin de ton aide pour combattre Cett. Lui et moi avons déjà signé un traité.

Elend hésita.

— Quoi ?

— Que crois-tu que j’aie fait ces dernières semaines ? Que je suis resté assis ici à attendre ton bon vouloir ? Cett et moi avons échangé des civilités. La ville ne l’intéresse pas – il veut simplement l’atium. Nous sommes convenus de partager ce que nous découvririons à Luthadel, puis de collaborer pour nous emparer du reste de l’Empire Ultime. Il va conquérir l’ouest et le nord pendant que je me dirigerai vers l’est et le sud. Un homme très arrangeant, Cett.

Il joue au culot, songea Elend, relativement sûr de lui. Ce n’était pas dans les habitudes de Straff ; il ne s’allierait pas à quelqu’un d’une force quasiment équivalente à la sienne. Il redoutait bien trop la trahison.

— Vous pensez que je vais croire ça ?

— Tu es libre de croire comme bon te semble.

— Et l’armée des koloss qui se dirige par ici ? demanda Elend, jouant l’un de ses atouts.

Sa question laissa Straff songeur.

— Si vous voulez prendre Luthadel avant l’arrivée de ces koloss, père, reprit Elend, je crois que vous allez devoir vous montrer un peu plus accommodant vis-à-vis de l’homme qui vient ici vous offrir tout ce que vous voulez. Je ne vous demande qu’une chose : laissez-moi obtenir une victoire. Laissez-moi affronter Cett, assurer mon héritage. Ensuite vous pourrez avoir la ville.

Straff médita cette demande, assez longuement pour qu’Elend se prenne à espérer qu’il venait de remporter la manche. Mais Straff secoua ensuite la tête.

— Eh bien non. Je vais tenter ma chance avec Cett. J’ignore pourquoi il est disposé à me laisser prendre Luthadel, mais il ne paraît pas beaucoup s’y intéresser.

— Parce que vous, oui ? demanda Elend. Vous savez que nous ne possédons pas cet atium. En quoi la ville vous intéresse-t-elle à présent ?

Straff se pencha un peu plus en avant. Elend sentait son haleine, parfumée par les épices du repas.

— C’est là que tu te trompes à mon sujet, mon garçon. C’est pour ça – même si tu avais été en mesure de me promettre cet atium – que tu n’aurais jamais dû quitter ce camp ce soir. J’ai commis une erreur l’an dernier. Si j’étais resté à Luthadel, c’est moi qui aurais occupé ce trône. Au lieu de quoi, ç’a été toi. Je ne comprends pas bien pourquoi – j’imagine qu’un Venture faible valait toujours mieux que les autres options.

Straff était tout ce qu’Elend détestait dans l’Ancien Empire. Présomptueux. Cruel. Arrogant.

Jouons les faibles, songea Elend en se calmant. Je ne dois pas sembler menaçant. Il haussa les épaules.

— Ce n’est qu’une ville, père. De mon point de vue, elle n’a pas la moitié de la valeur de votre armée.

— C’est bien plus qu’une ville, répondit Straff. C’est la ville du Seigneur Maître – et mon foyer s’y trouve. Mon bastion. J’ai cru comprendre qu’il te servait de palais.

— Je n’avais pas vraiment d’autre endroit où aller.

Straff reprit son repas.

— D’accord, dit-il tout en taillant de gros morceaux de viande. Au départ, je t’ai trouvé idiot d’être venu ici ce soir, mais je n’en suis plus si sûr à présent. Tu as dû comprendre l’inévitable.

— Vous êtes plus puissant, répondit Elend. Je ne peux pas vous résister.

Straff hocha la tête.

— Tu m’as impressionné, mon garçon. Tu portes des vêtements dignes de ce nom, tu t’es trouvé une Fille-des-brumes comme maîtresse, tu maintiens la ville sous contrôle. Je vais te laisser vivre.

— Merci, répondit Elend.

— En échange, tu vas me donner Luthadel.

— Dès que nous nous serons occupés de Cett.

Straff éclata de rire.

— Non, mon garçon, ça ne marche pas comme ça. Nous ne sommes pas en train de négocier. Tu vas écouter mes ordres. Demain, nous rejoindrons la ville ensemble et tu ordonneras l’ouverture des portes. J’y ferai entrer mon armée, je prendrai le commandement, et Luthadel deviendra la nouvelle capitale de mon royaume. Si tu m’obéis bien docilement, je te renommerai héritier.

— Nous ne pouvons pas faire ça, objecta Elend. J’ai donné l’ordre de ne pas vous ouvrir les portes, quoi qu’il arrive.

Straff hésita.

— Mes conseillers ont pensé que vous risquiez d’essayer de prendre Vin en otage pour m’obliger à vous livrer la ville, expliqua Elend. Si nous y allons ensemble, ils vont supposer que vous me menacez.

L’humeur de Straff s’assombrit.

— Tu as tout intérêt à ce qu’ils ne le fassent pas.

— Ils le feront, insista Elend. Je connais ces hommes, père. Ils sauteraient sur la première occasion de me reprendre la ville.

— Dans ce cas, pourquoi être venu ici ?

— Pour faire ce que je vous ai dit, répondit Elend. Négocier une alliance contre Cett. Je peux vous livrer Luthadel – mais il me faut du temps. Débarrassons-nous de Cett en premier lieu.

Straff saisit son couteau à viande par le manche et s’en servit pour cogner sur la table.

— Je t’ai dit qu’il n’était pas question de négocier ! Pas de réclamations, mon garçon. J’aurais pu te faire tuer !

— Je ne fais qu’exposer des faits, père, s’empressa de répondre Elend. Je ne veux pas…

— Comme te voilà devenu mielleux, dit Straff en plissant les yeux. Qu’espérais-tu accomplir en jouant à ce petit jeu ? En venant à mon camp ? Sans apporter quoi que ce soit à m’offrir… (Il s’interrompit, puis reprit.) Rien d’autre que cette fille. Jolie petite, d’ailleurs.

Elend rougit.

— Ça ne vous aidera pas à entrer en ville. Rappelez-vous, mes conseillers ont pensé que vous risquiez de la menacer.

— Très bien, lâcha Straff d’un ton cassant. Alors tu vas mourir, et je prendrai la ville par la force.

— Et Cett vous attaquera par-derrière, répondit Elend. Il vous mettra dos au mur et vous obligera à vous battre une fois cerné.

— Il subira de lourdes pertes, déclara Straff. Après quoi il ne sera plus en mesure de prendre et de conserver la ville.

— Même avec des forces réduites, il aurait de meilleures chances de nous prendre la ville que s’il attend pour vous la prendre, à vous.

Straff se leva.

— Je vais devoir courir ce risque. Je t’ai déjà abandonné ici une fois. Je ne compte pas te laisser de nouveau en liberté, mon garçon. Ces maudits skaa étaient censés te tuer et me libérer de toi.

Elend se leva lui aussi. Mais il lisait la détermination dans les yeux de Straff.

Ça ne fonctionne pas, songea Elend, gagné par une panique naissante. Ce plan avait été un pari risqué, mais il n’avait jamais réellement cru qu’il puisse échouer. Il avait très bien joué ses cartes. Mais quelque chose avait mal tourné – quelque chose qu’il n’avait pas prévu et ne comprenait toujours pas. Pourquoi Straff lui résistait-il à ce point ?

Je suis encore trop novice en la matière, se dit Elend. Fait ironique, s’il avait laissé son père mieux le former quand il était enfant, il aurait peut-être su où il s’était trompé. En l’état actuel des choses, il comprit soudain la gravité de sa situation. Cerné par une armée ennemie. Séparé de Vin.

Il allait mourir.

— Attendez ! s’exclama-t-il, affolé.

— Ah ! répondit Straff en souriant. Tu comprends enfin dans quoi tu t’es fourré ?

Il y avait du plaisir dans le sourire de Straff. De l’avidité. Il y avait toujours eu chez Straff une tendance à aimer faire souffrir les autres, bien qu’Elend l’ait rarement vue appliquée à lui-même. Les convenances avaient toujours arrêté Straff.

Les convenances imposées par le Seigneur Maître. En cet instant, Elend lisait un éclat meurtrier dans le regard de son père.

— Vous n’avez jamais eu l’intention de me laisser vivre, dit Elend. Même si je vous avais livré l’atium, même si je vous avais accompagné jusqu’à la ville.

— Tu étais mort dès l’instant où j’ai décidé de marcher sur cette ville, jeune crétin, répondit Straff. Mais je te remercie de m’avoir apporté cette jeune fille. Je vais la prendre ce soir. Nous verrons si elle crie mon nom ou le tien quand je…

Elend éclata de rire.

C’était un rire de désespoir, un rire face à la situation grotesque dans laquelle il s’était fourré, un rire qui traduisait son inquiétude et sa peur soudaines – mais, par-dessus tout, c’était un rire à l’idée que Straff cherche à contraindre Vin.

— Vous n’imaginez même pas à quel point vous êtes ridicule.

Straff rougit.

— Rien que pour ça, mon garçon, je vais me montrer encore plus brutal avec elle.

— Père, vous êtes un porc, poursuivit Elend. Un individu dégoûtant, répugnant. Vous vous preniez pour un brillant dirigeant, mais vous n’étiez qu’à peine compétent. Vous avez failli faire détruire notre maison – c’est la mort du Seigneur Maître qui vous a sauvé !

Straff appela ses gardes.

— Vous pouvez toujours prendre Luthadel, continua Elend, mais vous allez la perdre ! J’ai peut-être été un mauvais roi, mais vous en serez un désastreux. Le Seigneur Maître était un tyran, mais aussi un génie. Tu n’es ni l’un ni l’autre. Rien qu’un égoïste qui va épuiser ses ressources, puis mourir d’un coup de couteau dans le dos.

Straff désigna Elend tandis que ses soldats se précipitaient dans la pièce. Elend n’eut pas de mouvement de recul. Il avait grandi avec cet homme, été élevé par lui, torturé par lui. Et malgré tout, il n’avait jamais exprimé son opinion. Il s’était rebellé avec la timidité insignifiante d’un adolescent, sans jamais formuler la vérité.

Il éprouva un soulagement fort agréable.

C’était peut-être une erreur de jouer la carte de la faiblesse contre Straff. Il a toujours adoré écraser les choses.

— Si vous me tuez, père, répondit-il, vous allez mourir aussi.

 

— Si vous me tuez, père, dit Elend, vous allez mourir aussi.

Vin hésita. Elle se tenait à l’extérieur de la tente, dans la pénombre du début de la nuit. Elle s’était trouvée en compagnie des soldats de Straff, mais ils étaient rentrés sur les ordres de leur maître. Elle s’était réfugiée dans le noir et attendait à présent du côté nord de la tente, observant les ombres qui bougeaient à l’intérieur.

Elle avait failli se précipiter dans la tente. Elend ne s’en tirait pas très bien. Non qu’il soit mauvais négociateur ; simplement d’un naturel trop sincère. Il n’était pas difficile de deviner quand il jouait au culot, surtout quand on le connaissait bien.

Mais cette nouvelle affirmation était différente. Ce n’était ni une tentative de ruse, ni un accès de colère comme celui d’un peu plus tôt. Elend paraissait soudain calme et sûr de lui.

Tendue, Vin patienta en silence au cœur des brumes, poignards en main, près de la tente éclairée. Quelque chose lui soufflait qu’elle devait accorder à Elend quelques instants supplémentaires.

Straff éclata de rire pour se moquer de la menace d’Elend.

— Vous êtes un idiot, père, reprit celui-ci. Vous croyez que je suis venu négocier ? Que je traiterais de mon plein gré avec quelqu’un comme vous ? Non. Vous me connaissez mieux que ça. Vous savez que je ne me soumettrai jamais face à vous.

— Alors pourquoi ? demanda Straff.

Elle entendait presque Elend sourire.

— Je suis venu pour vous approcher, père… et pour amener ma Fille-des-brumes au cœur même de votre camp.

Silence.

Puis Straff éclata enfin de rire.

— Tu me menaces avec cette brindille ? Si c’est là la grande Fille-des-brumes de Luthadel dont j’ai tant entendu parler, je suis atrocement déçu.

— C’est parce qu’elle veut vous donner cette impression, répondit Elend. Réfléchissez un peu, père. Vous étiez soupçonneux, et elle a confirmé vos soupçons. Mais si elle est aussi douée que le veulent les rumeurs – dans ce cas, comment auriez-vous perçu son influence sur vos émotions ?

» Vous l’avez surprise en train de vous apaiser, et vous avez réagi en conséquence. Ensuite, comme vous ne ressentiez plus son influence, vous avez cru l’avoir intimidée. Mais après, vous avez commencé à vous sentir sûr de vous. Très à l’aise. Vous avez cessé de considérer Vin comme une menace – or un homme rationnel ignorerait-il une Fille-des-brumes, aussi petite ou discrète soit-elle ? En fait, on pourrait même se dire que les plus petits et discrets des assassins sont justement ceux auxquels on doit prêter le plus d’attention.

Vin sourit. Bien joué, se dit-elle. Elle se concentra, exaltant les émotions de Straff, attisant son métal pour enflammer sa colère. Il eut un hoquet stupéfait.

J’espère que tu comprends le signal, Elend.

— Peur, ordonna celui-ci.

Elle apaisa la colère de Straff pour la remplacer par la peur.

— Passion.

Elle s’exécuta.

— Calme.

Elle apaisa le tout. À l’intérieur de la tente, elle vit l’ombre de Straff se redresser soudainement. Un allomancien ne pouvait jamais forcer quelqu’un à faire quelque chose – et en règle générale, exercer une forte Poussée ou Traction sur une émotion était moins efficace, car on avertissait ainsi la cible que quelque chose ne tournait pas rond. Mais dans ce cas précis, Vin voulait que Straff sache avec certitude qu’elle l’observait.

Elle sourit et éteignit son étain. Puis elle brûla son duralumin pour apaiser les émotions de Straff à pleine puissance, effaçant en lui toute capacité de sentiment. Son ombre vacilla sous l’assaut.

Le laiton de Vin s’éteignit l’instant d’après et elle activa de nouveau son étain, observant les formes noires sur la toile.

— Elle est puissante, père, dit Elend. Plus puissante que tous les allomanciens que vous avez connus. Elle a tué le Seigneur Maître. Elle a été formée par le Survivant de Hathsin. Et si vous me tuez, elle va vous tuer aussi.

Straff se redressa et le silence retomba dans la tente.

Des pas résonnèrent. Vin se tourna et se baissa, élevant son poignard.

Une silhouette familière se dressait dans les brumes nocturnes.

— Pourquoi est-ce que je n’arrive jamais à vous prendre par surprise ? s’enquit Zane tout bas.

Vin haussa les épaules et se retourna vers la tente – mais se plaça de manière à pouvoir garder Zane à l’œil dans le même temps. Il vint s’accroupir près d’elle, étudiant les ombres.

— Voilà une menace guère utile, dit enfin Straff à l’intérieur. Même si ta Fille-des-brumes réussit à m’atteindre, tu seras déjà mort.

— Ah, père, soupira Elend. Je me suis trompé au sujet de l’intérêt que vous portez à Luthadel. Mais vous vous êtes également trompé sur moi – depuis toujours. Je me moque bien de mourir si mon peuple peut y gagner la sécurité.

— Cett prendra la ville si je disparais, répondit Straff.

— Je crois que mon peuple sera en mesure de résister contre lui, rétorqua Elend. Après tout, il possède une armée plus petite.

— Tu racontes des bêtises ! lâcha Straff sur un ton cassant.

Mais il n’ordonna pas à ses soldats d’avancer davantage.

— Si vous me tuez, vous allez mourir aussi, répéta Elend. Et pas seulement vous. Vos généraux. Vos capitaines. Même vos obligateurs. Elle a l’ordre de vous massacrer tous.

Zane s’approcha de Vin, faisant légèrement crisser sous ses pas les herbes qui recouvraient le sol du camp.

— Ah, chuchota-t-il. C’est très malin. Quelle que soit la force de votre adversaire, il ne peut pas vous attaquer si vous tenez un couteau contre sa gorge.

Zane se pencha encore plus près et Vin leva les yeux vers son visage à peine séparé du sien par quelques centimètres. Il secoua la tête.

— Mais dites-moi – pourquoi faut-il toujours que les gens comme vous et moi incarnent les couteaux ?

Dans la tente, Straff devenait de plus en plus inquiet.

— Personne n’est aussi puissant, mon garçon, dit-il, même un Fils-des-brumes. Elle parviendra peut-être à tuer quelques-uns de mes généraux, mais elle ne m’atteindra jamais. J’ai mon propre Fils-des-brumes.

— Ah oui ? répondit Elend. Et pourquoi ne l’a-t-il pas tuée ? Parce qu’il a peur de l’attaquer ? Si vous me tuez, père – et même si vous ne faites qu’approcher de ma ville –, alors elle commencera le massacre. Vos hommes mourront comme des prisonniers devant les fontaines un jour d’exécution.

— Je croyais qu’il ne s’abaissait pas à ce genre de choses, chuchota Zane. Vous affirmiez ne pas être son outil. Vous disiez qu’il ne vous utiliserait pas comme assassin…

Vin remua, mal à l’aise.

— Il y va au culot, Zane, répondit-elle. En réalité, il ne ferait jamais rien de tel.

— C’est une allomancienne comme vous n’en avez jamais vue, père, continua Elend d’une voix étouffée par la tente. Je l’ai vue se battre contre d’autres allomanciens – aucun d’entre eux n’arrive seulement à la toucher.

— C’est vrai, ça ? demanda Zane.

Vin hésita. Elend ne l’avait en réalité jamais vue attaquer d’autres allomanciens.

— Une fois, il m’a vue attaquer des soldats, et je lui ai raconté certains de mes combats contre d’autres allomanciens.

— Ah, répondit doucement Zane. Alors ce n’est qu’un petit mensonge. Ceux-là sont autorisés quand on est roi. Comme beaucoup de choses. Exploiter une personne pour sauver tout un royaume ? Quel souverain refuserait de payer un si maigre prix ? Votre liberté en échange de sa victoire.

— Il ne se sert pas de moi, dit Vin.

Zane se leva. Vin se retourna légèrement, l’observant attentivement tandis qu’il s’enfonçait dans les brumes, à l’écart des tentes, des torches et des soldats. Il s’arrêta un peu plus loin. Malgré la lumière des tentes et des feux, le camp était envahi par les brumes. Elles tournoyaient tout autour d’eux. Depuis leur abri, la lueur des torches et les feux de camp paraissaient insignifiants. Comme des charbons en train de s’éteindre.

— Qu’est-ce que tout ça représente pour lui, dit Zane tout bas en désignant d’un geste de la main ce qui l’entourait. Est-ce qu’il peut seulement comprendre les brumes ? Est-ce qu’il peut seulement vous comprendre ?

— Il m’aime, répondit Vin en reportant son regard sur les ombres de la tente.

Elles s’étaient tues un instant, sans doute pendant que Straff réfléchissait aux menaces d’Elend.

— Il vous aime, vous ? demanda Zane. Ou il aime vous posséder ?

— Elend n’est pas comme ça, répondit Vin. C’est quelqu’un de bien.

— Bien ou pas, vous n’êtes pas comme lui, insista Zane dont la voix résonnait au cœur de la nuit à ses oreilles affinées par l’étain. Est-ce qu’il peut comprendre ce que c’est d’être comme nous ? Est-ce qu’il peut savoir ce que nous aimons, est-ce qu’il peut s’y intéresser ? Est-ce qu’il a jamais vu ça ?

D’un geste, Zane désigna le ciel. Bien au-delà des brumes, des lumières brillaient dans le ciel, telles de minuscules taches de son. Les étoiles, invisibles à l’œil ordinaire. Seul quelqu’un qui brûlait de l’étain pouvait percer les brumes et les voir briller.

Elle se rappela la première fois que Kelsier les lui avait montrées. Elle se rappela sa stupéfaction d’apprendre que les étoiles étaient là depuis toujours, invisibles derrière les brumes…

Zane désignait toujours le ciel.

— Seigneur Maître ! chuchota Vin, reculant de la tente d’un petit pas.

À travers les brumes tourbillonnantes, à la lumière qui se dégageait de la tente, elle vit quelque chose sur le bras de Zane.

Il avait la peau couverte de minces traces blanches. Des cicatrices.

Zane baissa aussitôt le bras, masquant sa chair sous sa manche.

— Vous avez été aux Fosses de Hathsin, dit doucement Vin. Comme Kelsier.

Zane détourna le regard.

— Je suis désolée, ajouta Vin.

Zane se tourna, souriant dans la nuit. Un sourire ferme et confiant. Il s’avança.

— Je vous comprends, Vin.

Puis il s’inclina légèrement devant elle et s’éloigna d’un bond pour disparaître dans les brumes. À l’intérieur de la tente, Straff s’adressa à Elend :

— Va-t’en. Disparais.

 

La voiture s’éloigna. Straff se tenait à l’extérieur de sa tente, ignorant les brumes, toujours un peu hébété.

Je l’ai laissé partir. Pourquoi ai-je fait ça ?

Pourtant – encore maintenant – il sentait l’influence de la Fille-des-brumes déferler sur lui. Une émotion après l’autre, tel un traître maelström en lui, et puis… plus rien. Comme une main immense qui s’emparait de son âme et la pressait pour la contraindre à une douloureuse soumission. L’expérience lui avait évoqué l’idée qu’il se faisait de la mort.

Aucun allomancien ne pouvait être aussi puissant.

Zane la respecte, songea Straff. Et tout le monde affirme qu’elle a tué le Seigneur Maître. Cette minuscule créature. Impossible.

L’idée paraissait improbable. Et c’était apparemment l’impression exacte qu’elle cherchait à créer.

Tout se déroulait si bien. Les informations fournies par l’espion kandra de Zane s’étaient révélées exactes : Elend avait bel et bien tenté de conclure une alliance. Le plus effrayant était que Straff aurait pu accepter, en estimant qu’Elend n’avait aucune importance, si l’espion ne l’avait averti.

Même alors, Elend était parvenu à le battre. Straff avait beau s’être préparé à les voir jouer la carte de la faiblesse, il était tombé dans le piège.

Comme elle est puissante…

Une silhouette vêtue de noir sortit des brumes et s’avança vers Straff.

— On dirait que vous avez vu un fantôme, père, dit Zane avec un sourire. Le vôtre, peut-être ?

— Y avait-il qui que ce soit d’autre dehors, Zane ? demanda Straff, encore trop secoué pour répliquer. Peut-être deux autres Fils-des-brumes pour l’aider ?

Zane secoua la tête.

— Non. Elle est réellement très forte.

Il se détourna pour rejoindre les brumes.

— Zane ! lâcha Straff, le poussant à s’arrêter. Nous allons changer de plan. Je veux que tu la tues.

Zane se retourna.

— Mais…

— Elle est trop dangereuse. Sans compter que nous avons maintenant les informations que nous voulions lui soutirer. Ils ne possèdent pas l’atium.

— Vous les croyez ? demanda Zane.

Straff hésita. Après s’être laissé manipuler aussi parfaitement ce soir-là, il ne comptait se fier à rien qu’il ait appris.

— Non, décida-t-il. Mais nous allons trouver une autre méthode. Je veux que cette fille meure, Zane.

— Alors nous allons attaquer la ville pour de bon ?

Straff faillit donner l’ordre sur-le-champ et commander à ses armées de se préparer à un assaut matinal. L’attaque préliminaire s’était bien passée et leur avait montré que les défenses n’avaient rien d’impressionnant. Straff pouvait prendre ce rempart, puis s’en servir contre Cett.

Mais les derniers mots prononcés par Elend avant son départ l’arrêtèrent. Envoie donc tes armées contre ma ville, père, lui avait dit le garçon, et tu vas mourir. Tu as senti son pouvoir – tu sais de quoi elle est capable. Tu peux tenter de te cacher, tu peux même conquérir ma ville.

Mais elle va te retrouver. Et te tuer.

Ta seule autre option consiste à attendre. Je te contacterai quand mes armées seront prêtes à attaquer Cett. Nous allons frapper ensemble, comme je te l’ai dit tout à l’heure.

Straff ne pouvait compter dessus. Le garçon avait changé – il était devenu étrangement fort. Si Elend et Straff attaquaient ensemble, Straff n’avait guère d’illusions quant à la vitesse à laquelle il se ferait trahir. Mais il ne pouvait attaquer Luthadel tant que cette jeune fille serait en vie. Pas alors qu’il connaissait sa puissance et avait perçu son influence sur ses émotions.

— Non, répondit-il enfin à la question de Zane. Nous n’allons pas attaquer. Pas avant que tu ne l’aies tuée.

— Ce sera sans doute plus difficile que vous n’avez l’air de le croire, père, objecta Zane. J’aurai besoin d’aide.

— Quel genre d’aide ?

— Une équipe d’assaut. Des allomanciens impossibles à retrouver.

Zane parlait d’un groupe bien précis. La plupart des allomanciens étaient faciles à identifier en raison de leurs origines aristocratiques. Straff avait toutefois accès à des ressources très particulières. Ce n’était pas sans raison qu’il possédait tant de maîtresses – des dizaines. Certains pensaient que c’était par simple luxure.

Mais ils se trompaient. Davantage de maîtresses signifiait davantage d’enfants. Et davantage d’enfants, nés d’une lignée noble comme la sienne, signifiait davantage d’allomanciens. Il n’avait engendré qu’un seul Fils-des-brumes, mais nombre de Brumants.

— Ce sera chose faite, dit Straff.

— Ils ne survivront peut-être pas à l’affrontement, père, l’avertit Zane qui se tenait toujours parmi les brumes.

Cette atroce sensation revint. Le sentiment de néant, l’horrible conscience que quelqu’un d’autre exerçait un contrôle total sur ses émotions. Personne n’aurait dû posséder un tel pouvoir sur lui. Surtout pas Elend.

Il devrait être mort. Il est venu à moi. Et je l’ai laissé partir.

— Débarrasse-toi d’elle, conclut Straff. Fais tout ce qui est nécessaire, Zane. Absolument tout.

Zane hocha la tête, puis s’éloigna d’une démarche assurée.

Straff regagna sa tente et demanda qu’on rappelle Hoselle. Elle ressemblait assez à la fille d’Elend. Il avait bien besoin de se rappeler que c’était lui, la plupart du temps, qui contrôlait.

 

Assis à l’arrière de la voiture, Elend se sentait encore un peu hébété. Je suis toujours en vie ! songea-t-il avec une excitation croissante. J’ai réussi ! J’ai persuadé Straff de laisser la ville tranquille.

Pour quelque temps, du moins. La sécurité de Luthadel dépendait du fait que Straff continue à craindre Vin. Mais… eh bien, toute victoire en représentait une énorme pour Elend. Il n’avait pas abandonné son peuple. Il était leur roi, et son plan – aussi insensé ait-il pu paraître – avait fonctionné. Sa petite couronne lui semblait désormais bien moins lourde à porter.

Vin était assise face à lui. Elle ne paraissait pas, loin s’en fallait, aussi satisfaite que lui.

— Nous avons réussi, Vin ! s’exclama-t-il. Ce n’était pas ce que nous avions prévu, mais ça a marché. Maintenant, Straff n’osera plus attaquer la ville.

Elle hocha la tête en silence.

Elend fronça les sourcils.

— Hum, c’est grâce à toi que la ville est en sécurité. Tu le sais bien, non ? Si tu n’avais pas été là… Eh bien, évidemment, sans toi, l’Empire Ultime tout entier serait encore asservi.

— Parce que j’ai tué le Seigneur Maître, répondit-elle doucement.

Elend acquiesça.

— Mais c’était le plan de Kelsier – les talents de la bande, la volonté des gens – qui a libéré l’Empire, ajouta-t-elle. J’ai simplement tenu le couteau.

— À t’entendre, Vin, on dirait que c’était quelque chose d’insignifiant. Pas du tout ! Tu es une allomancienne hors pair. Ham dit qu’il n’arrive même plus à te battre lors d’un duel déloyal, et tu as tenu les assassins à l’écart du palais. Tu n’as pas ton pareil dans tout l’Empire Ultime !

Curieusement, ses paroles ne servirent qu’à la faire se pelotonner encore un peu plus loin dans le coin. Elle se tourna vers la vitre pour scruter les brumes.

— Merci, dit-elle doucement.

Elend plissa le front. Chaque fois que je crois avoir compris ce qui se passe dans sa tête… Il s’approcha d’elle pour l’entourer d’un bras.

— Vin, qu’est-ce qui se passe ?

Elle garda le silence, puis secoua enfin la tête en s’obligeant à sourire.

— Rien du tout, Elend. Tu as raison d’être surexcité. Tu as été brillant, là-bas – je crois que même Kelsier n’aurait pas réussi à manipuler Straff aussi efficacement.

Elend sourit et l’attira plus près de lui, impatient, tandis que la voiture atteignait la cité obscure. La Porte d’Étain s’ouvrit timidement et Elend aperçut un groupe au-delà, dans la cour. Ham élevait une lanterne au cœur des brumes.

Elend n’attendit pas que la voiture s’arrête. Il ouvrit la portière et bondit à terre tandis qu’elle ralentissait. Ses amis lui adressèrent des sourires enthousiastes. Les portes se refermèrent avec un bruit lourd et sourd.

— Ça a marché ? demanda Ham, hésitant, en voyant Elend approcher. Vous avez réussi ?

— Plus ou moins, répondit Elend en souriant, serrant la main de Ham, Brise, Dockson puis Spectre. Même le kandra, OreSeur, était présent. Il s’approcha du véhicule à pas de loup pour attendre Vin.

— La feinte initiale n’a pas très bien marché – mon père n’a pas mordu à l’appât de l’alliance. Mais ensuite, je lui ai dit que j’allais le tuer !

— Attends. En quoi était-ce une bonne idée ? demanda Ham.

— Nous avons ignoré l’une de nos meilleures ressources, mes amis, déclara Elend tandis que Vin descendait de la voiture. (Il se tourna pour la désigner.) Nous possédons une arme dont ils n’ont pas l’équivalent ! Straff s’attendait à ce que je vienne le supplier, et il était préparé à maîtriser cette situation-là. Mais quand j’ai mentionné ce qui allait lui arriver ainsi qu’à son armée s’il éveillait la colère de Vin…

— Mon cher, dit Brise. Tu as pénétré dans le camp du roi le plus puissant de l’Empire Ultime et tu l’as menacé ?

— Eh oui !

— Formidable !

— Je sais ! répondit Elend. J’ai dit à mon père qu’il allait devoir me permettre de quitter son camp et laisser Luthadel tranquille, faute de quoi je le ferais tuer par Vin, ainsi que tous les généraux de son armée.

Il entoura Vin d’un bras. Elle sourit à l’intention du groupe, mais il voyait bien que quelque chose la tracassait toujours.

Elle ne trouve pas que je m’en sois bien sorti, comprit Elend. Elle a vu une meilleure façon de manipuler Straff, mais elle ne veut pas gâcher mon enthousiasme.

— Eh bien, on dirait qu’on n’aura pas besoin d’un nouveau roi, finalement, déclara un Spectre souriant. J’espérais plus ou moins obtenir la place…

Elend éclata de rire.

— Je ne compte pas la céder avant un bon moment. Nous allons annoncer au peuple que Straff a été intimidé, ne serait-ce que provisoirement. Voilà qui devrait quelque peu regonfler le moral général. Ensuite, nous nous occupons de l’Assemblée. Avec un peu de chance, elle va voter la résolution d’attendre que je rencontre Cett, tout comme je l’ai fait avec Straff.

— Et si nous fêtions ça au palais ? demanda Brise. J’adore les brumes, mais je doute que la cour soit le lieu adéquat pour parler de ces choses-là.

Elend lui donna une tape dans le dos et hocha la tête. Ham et Dockson les rejoignirent, Vin et lui, tandis que les autres montaient dans la voiture qui venait de les ramener. Elend jeta un regard curieux à Dockson. En temps ordinaire, il aurait choisi l’autre véhicule – celui dans lequel Elend ne se trouvait pas.

— Franchement, Elend, déclara Ham en s’installant sur son siège, je suis impressionné. J’étais à moitié persuadé que nous allions devoir faire une descente dans ce camp pour vous ramener.

Elend sourit tout en étudiant Dockson, qui s’asseyait tandis que le véhicule se mettait en route. Il ouvrit son cartable et en tira une enveloppe scellée. Il leva les yeux pour croiser le regard d’Elend.

— Les membres de l’Assemblée viennent de vous envoyer ça, Majesté.

Elend hésita. Puis il la prit et en rompit le sceau.

— De quoi s’agit-il ?

— Je ne sais pas au juste, répondit Dockson. Mais j’ai… commencé à entendre des rumeurs.

Vin se pencha pour lire par-dessus le bras d’Elend tandis qu’il parcourait la feuille que contenait l’enveloppe.

Majesté, lut-il.

Nous vous informons par la présente que l’Assemblée, suite à un vote à la majorité, a décidé d’invoquer la clause de perte de confiance de la charte. Bien que nous appréciions vos efforts au nom de la ville, la situation actuelle appelle à un type de gouvernement tout autre que celui que Votre Majesté est en mesure d’exercer. Nous prenons cette mesure sans la moindre hostilité, mais uniquement avec résignation. Nous ne voyons aucune alternative, et devons agir pour le bien de Luthadel.

Nous sommes au regret de devoir vous en informer par le biais de cette lettre.

 

La page était signée des vingt-trois membres de l’Assemblée.

Elend la reposa, stupéfait.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Ham.

— Je viens d’être déposé, répondit Elend tout bas.

Le puits de l'ascension
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